Rappelez-vous : il y a à peine 5 ans, plus de 7 Français sur 10 estimaient que le bonheur était lié à la consommation. (Obsoco 2013) ! Aujourd’hui, ces mêmes Français veulent consommer moins et mieux. Tous décroissants ? Pax exactement : nous commençons à remettre en question le modèle pour une question de survie plutôt que des raisons idéologiques. En effet, lorsque un modèle social repose sur la croissance supposément constante de nos revenus, qu’advient-il si ceux-ci commencent à stagner ? Nous ne pouvons plus consommer sans limite, nous devenons donc de plus en plus malheureux.
C’est ainsi que le shopper se défait petit à petit de ses habits d’acheteurs pour redevenir un individu. Un véritable changement de paradigme qui supposent que les marques s’adressent d’abord à un individu avec lequel il est important de revaloriser les aspects non-économiques et plus complexes de la relation entreprise/consommateur. Franprix l’a intégré dans son nouveau concept Darwin, en intégrant les problématiques de l’urbain. Comment gonfler son vélo, faire boire son chien, réduire ses déchets…
Au-delà de ces aspects pragmatiques, l’affirmation de valeurs devient la nouvelle priorité du consommateur — et donc des marques. Tout le monde promeut désormais l’expérience, le partage, l’authenticité, etc.
Tout cela pourrait être simple, si ce n’est que le consommateur redevenu individu vit des tensions. Il aspire à une autre vie mais veut toujours consommer. Une étude étude Reload-Illigo montre très bien cette ambivalence : en tant que ménagère, il ne veut pas attendre aux caisses, mais en tant qu’humain il ne veut pas de magasin sans caissière. En tant qu’individu gestionnaire, il veut des prix bas, mais en tant qu’individu citoyen il ne veut pas écraser les paysans. Dans l’univers de la consommation Il veut des repères (c’est la fonction de la marque) mais il ne veut plus de cet univers du retail ou quels que soient les pays il retrouve les mêmes enseignes, les mêmes produits. Le magasin est le lieu où toutes les tensions de notre société en phase de transition s’expriment.
La communication avait sur de nombreux marchés une « fonction alibi », l’objectif pour les marketeurs était que les distributeurs « tout-puissant » mettent en avant les produits car c’était la clef du développement des ventes. Bonne nouvelle, les communicants vont maintenant avoir une vraie fonction : permettre aux consommateurs de résoudre ces fameuses tensions…
Neo-marketing VS hyper-marketing
Quelle stratégie pour les marketeurs pris au piège au milieu d’un magasin devenu le champ de bataille symbolique de toutes les tensions : social, économique, politique ? Deux grandes postures opposés pour répondre à cette remise en cause du modèle : le no-marketing et l’hyper-marketing.
La posture no-marketing adoptée par Muji, Weekday ou Brandless met en scène un refus du marketing, caractérisée par une distribution sans intermédiaire et une « dé-fétichisation » de la marchandise (Olivier Badot ESCP) : réduction de l’assortiment, ambiance austère, rusticité des matériaux.
A l’opposé, l’hyper marketing va opérer un changement d’objet de la consommation. L’individu ne consomme plus : il vit une expérience. Cette expérience prend en compte les nouvelles attentes de l’individu en replaçant la consommation dans un univers plus large : univers de services et valeurs.
Dans ce contexte, le magasin se transforme, chaque marque en fonction de son ancrage va proposer de la relation, de l’entertainment,.. Face au rejet, les enseignes et les marques redoublent d’efforts marketing pour re-conquérir ce nouvel individu consommateur.
Quelle que soit la posture adoptée par les marques, les tensions entre aspiration de l’individu et attentes du consommateur ne sont pas prêtes de disparaître. C’est plutôt une bonne nouvelle pour les métiers de la communication, dont l’utilité s’en retrouve renforcée. Le bon vieux shopper unidimensionnel est mort, mais le marketing, lui, est plus vivant que jamais !
YVES SIMEON – Dirige RELOAD
Cabinet de conseil et de formation. Sa mission est d’accompagner les entreprises dans la mise en place de parcours d’écosystèmes grâce à l’audit de leur stratégies, de leur organisation et la formation de leur équipe. Yves intervient tous les mois dans la rubrique Mot pour Mot
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@SimeonYves