CHANGEMENT DE PARADIGME : LA PRODUCTION D’IMAGINAIRES EST RÉALISÉE CONJOINTEMENT À CELLE DU PRODUIT. UNE TENDANCE QUI S’AFFIRME.
Nous sommes entrés sans enthousiasme dans une époque marquée par la postmodernité. Il n’y est pas vraiment question de passé ou de futur, puisque toute notre énergie est désormais absorbée par le court-terme et l’adaptation de nos systèmes en temps réel. L’avenir dépeint par les cahiers de tendances porte sur 6 à 12 mois à peine ! Les rares organismes proposant une vision de long terme sont les géants de la Silicon Valley comme Google ou Tesla, qui peuvent parfois manquer de concret, voire tomber dans un certain dogmatisme. Pour tous les autres, le temps réel est épuisant et souvent inutile. Plus que jamais, un retour vers le futur est nécessaire. Mais comment proposer des futurs quand règne l’incrédulité généralisée et quand plus personne n’adhère à une utopie ? Le « design fiction » peut apporter des réponses. Dérivé du design thinking, il intègre les techniques du prototypage et du storytelling pour construire des fictions réalistes en matière sociéconomique, technologique… et bien sûr marketing.
Design fiction, fake it until you make it ?
Le design fiction a été expérimenté dès 2002 par deux étudiants du London Royal College of Arts, qui ont lancé une dent connectée qui servirait à téléphoner. Une pure fiction pourtant réaliste car documentée. Le projet a fait grand bruit, jusqu’à faire la couverture de « Time magazine » et lancer de nombreux débats… Il y a deux ans, Amazon faisait aussi du design fiction lorsqu’il teste la livraison par drones ; un service à la fois fantaisiste et viable, qui a surtout permis de tester la capacité de propagation de l’idée, ses problèmes légaux et ses bénéfices perçus. À l’heure où le marketing est accusé de masquer de fausses innovations, il doit redécouvrir sa fonction principale, celle de produire une vision et des imaginaires qui rendent les produits appropriables. Le succès d’Apple ne repose pas sur des innovations fondamentales mais sur la capacité à ancrer l’innovation dans le quotidien grâce au storytelling.
Raconter des histoires crédibles plutôt que marketer des produits
Avec le Design Fiction, le lancement du prototype nécessite de produire la narration qui le rend acceptable et crédible. Par exemple, Magic Leap s’est rapproché d’écrivains de science-fiction et de cinéastes pour travailler sur sa technologie de réalité mixte avant même son lancement. C’est un véritable changement de paradigme puisque la production d’imaginaires associés est réalisée conjointement à celle du produit, et non a posteriori par une agence. Cela ne signifie pas que les agences n’ont plus de rôle à jouer, bien au contraire : elles peuvent aller plus loin et devenir coproducteurs avec les annonceurs de la logique de design fiction. Une tendance qui s’affirme d’année en année aux Cannes Lions. La communication et le marketing doivent dès aujourd’hui redécouvrir la puissance des grands récits pour se faire producteurs d’imaginaires et de futurs souhaitables. Cela implique de s’extraire du court-termisme forcené et d’adopter un état d’esprit plus ludique et expérimental. Redonnons un peu de lustre à notre futur !
YVES SIMEON – Dirige RELOAD
Cabinet de conseil et de formation. Accompagne les entreprises dans la mise en place de parcours de (trans) formation. Yves intervient tous les mois dans la rubrique Mot pour Mot
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@SimeonYves