Les campagnes classiques sont toujours préférées aux “storytelling” nouvelle génération, par manque d’audace ?
Au vu des publicités les mieux notées par les responsables de création invités par « CB » ainsi que les publicités les plus virales de 2015, je me suis posé la question de l’évolution de la narration publicitaire. La manière de raconter une histoire a-t-elle changé avec les outils numériques ?
J’ai essayé d’analyser le corpus du Hit Parade de « CB News » sans a priori. Il en ressort que la narration publicitaire ne se transforme pas aussi vite que d’autres phénomènes (nouveaux médias, nouveaux créateurs issus du monde de la production comme Golden Moustache ou Studio Kabo ou encore nouveaux modes de storytelling : « Vice », série sur Snapchat).
On retrouve en effet dans les films les plus étoilés les grands invariants de la narration publicitaire. Par exemple, la mise en scène du produit, qu’elle soit poétique dans les films Carel, sonore pour La Philharmonie de Paris ou incarnée par le personnage de Robocop pour Total. La démonstration peut éventuellement prendre un caractère événementiel que l’on retrouve dans les films viraux comme chez Cillit Bang. Par ailleurs, les sagas restent très présentes sur les gros budgets car elles assurent une cohérence entre les différentes prises de paroles de la marque. Les sagas humoristiques marchent toujours très bien, même si parfois les gags occultent un peu le message marque, comme chez EDF. Les sagas construites autour d’une idée directrice comme Volkswagen (« on surévalue toujours une VW») ou sur SNCF avec le TGV(«Il y a tant à faire le temps d’un trajet ») fonctionnent.
Pourtant, ces sagas ne déclinent pas toujours le potentiel narratif de l’idée en restant « très TV » dans leur écriture. La plupart des publicités n’explorent pas vraiment le potentiel offert par les nouveaux médias. Certes, la création est influencée par le phénomène YouTube avec les vidéos un peu potaches que l’on retrouve dans la campagne Ooreka mettant en scène les réponses stupides des autres forums (le détecteur de fumée dans ton c.), mais cela reste superficiel. Dans l’ensemble, la narration reste traditionnelle dans son écriture. Au final, la grande gagnante quels que soient le support et l’époque reste l’émotion. C’est le facteur majeur de la viralisation des contenus. Les films les plus viraux font la part belle aux bons sentiments : chiens handicapés dans le film Kleenex, don de bras bionique avec Robert Downey Jr pour Microsoft… Et les animaux restent les chouchous publicitaires, comme en témoignent Android et ses couples d’animaux, Budweiser et son chien perdu, Purina et l’esprit Puppyhood.
Les publicitaires n’utilisent pas encore à fond les outils digitaux, et notamment ses possibilités de démonstration et d’incarnation de la promesse produit. Par exemple, la mise en scène des méfaits du retargeting sur les jeunes pour Innocence en Danger est spectaculaire. D&AD propose un bloqueur de publicité de mauvaise publicité. Enfin, grâce à la technologie, Thalys peut nous faire partager le bruit de la ville à travers des affiches multimédia. Le classicisme des campagnes primées est-il dû au profil des jurés, les créatifs ayant tendance à mieux noter les modes de narrations qui leur sont familiers ? Ou les demandes clients restent-elles très classiques ? Les agences multiplient les chantiers de transformation. Leur mutation doit aussi passer par leur cœur de métier : leur capacité à raconter des histoires. Bel exemple de « storytelling nouvelle génération » : « We love Poules » de Saint-Michel qui nous raconte son amour des poules à travers un site, un film, des packagings. Parions que 2016 verra une véritable explosion des modes de narration publicitaires !
YVES SIMEON – Dirige RELOAD
Cabinet de conseil et de formation. Accompagne les entreprises dans la mise en place de parcours de (trans) formation. Yves intervient tous les mois dans la rubrique Mot pour Mot
reload-consultant.com
@SimeonYves