Tout ce que vous voulez savoir sur les communautés sans jamais oser le demander

A l’occasion de la conférence de l’Udecam sur les nouvelles communautés, dans la tradition de ma rubrique Mot pour Mot, j’ai essayé de dégager des vérités sur les communautés.

En introduction revenons sur le contexte : notre société est souvent décrite comme ultra-individualiste et paradoxalement, voilà que tout le monde parle de la montée des communautés !

Pour comprendre ce paradoxe, Stéphane Hugon, sociologue au Cevipof décrit la nouvelle société postmoderne : accélération de l’Histoire, montée du sentiment de solitude dans les grandes villes, standardisation, montée des normes sociétales et politiques et finalement l’homogénéisation des produits qui ont perdu au fil du temps leur ancrage historique ce qui a entrainé un affaiblissement progressif du lien avec les consommateurs. Nous arrivons à une situation où le désir est en berne et l’ennuie guette l’individu… et le consommateur.

Comment lutter contre cette distance grandissante entre les consommateurs et les marques ? Stéphane propose aux marques d’inventer des histoires intégrant du lien et du pathos : la communauté devient le concept salvateur pour le marketing.

  • Une communauté c’est d’abord de l’échange

Une communauté c’est un groupe social qui partage du sang, de la sueur, des larmes.

Comme le rappelle, Thomas Jamet CEO, IPG Mediabrands, l’échange est au cœur du processus social de création de communauté. Vous l’avez compris on ne parle pas d’échange de « Like » mais bien d’échanges beaucoup plus concrets et impliquants.

La communauté s’incarne souvent dans un lieu physique pour que cet échange ait lieu. Les marques grâce à leur réseau de distribution peuvent proposer des services qui facilitent la circulation des produits, les rencontres, la discussion ­- en un mot : la vie de la communauté.

 

  • Tout groupe social n’est pas nécessairement une communauté 

L’image mentale référente de la communauté est celle du village. Dans ce modèle de communauté le gens vivaient vraiment ensemble, partageaient une culture et suivaient des règles communes. Elles étaient souvent « subies » ; les liens entre les personnes étaient forts et se traduisaient par des solidarités.

Aujourd’hui, les communautés traditionnelles ont fait place à de nouvelles formes de groupes partageant des idées, des centres d’intérêts et des passions. Franck Farrugio, CEO Re-Mind PHD, s’interroge : ces groupes forment-ils vraiment des communautés ? Pas toujours, et il faut se garder de voir des communautés à activer partout. Il n’y a pas de réponse standard, il faut regarder chaque groupe. Cela fait partie des préalables du marketing communautaire.

Nul doute que les communautés d’aujourd’hui sont très différentes de celles d’hier : elles ont une homogénéité sociale souvent importante, des durées de vie plus faibles qu’avant et dans le même temps elles créent de nouvelles pratiques d’échange, elles réinventent de nouvelles formes de sociabilité. Le fonctionnement de ces nouvelles communautés reste à découvrir.

 

  • La valeur d’une communauté ne se mesure pas à sa taille

Une vraie communauté n’est pas nécessairement petite et resserrée. Les plus grands médias ont largement dépassé l’idée d’audience pour se targuer de rassembler des communautés plus ou moins larges, plus ou moins éphémères. Sylvia Tassan-Toffola, directrice générale de TF1 Publicité, ne dit pas autre chose : « N’avons-nous pas fait une communauté le soir de la coupe du monde ? ».

La valeur d’une communauté pour le marketing se mesure à la force du lien entre les individus, sa capacité à échanger avec les autres groupes, la présence d’outils de communication existant entre les individus.

Dans la lignée du point précédent, battons en brèche un autre lieu commun : l’idée dominante est que les médias traditionnels ne sont pas communautaires, là où les médias digitaux, et notamment les médias sociaux, le seraient. C’est bien sûr faux. Des émissions TV en particulier des séries comme Game of Thrones ont des communautés très fortes, tout comme des quotidiens comme Libération. À l’inverse, une plateforme digitale comme Le Bon Coin n’est, de l’aveu-même de son directeur général Antoine Jouteau, pas du tout communautaire « des 28 millions des utilisateurs français qui utilisent sa marque, la moitié souhaite rester anonyme ».

 

  • Les marques sont des catalyseurs de communautés

Comme le rappelle avec sagesse Sophie Poncin d’Orange Advertising France, les marques ne créent pas des communautés. Elles sont des facilitatrices et peuvent jouer un rôle important dans une communauté à condition d’être crédibles et de se faire accepter.

Pour intégrer une communauté, les marques doivent réaliser un travail d’investigation : démarches ethnographiques, observation… Une marque ne se fait accepter que si elle apporte une véritable valeur ajoutée. Elle doit être généreuse, sincère et son action doit s’inscrire dans la durée.

Ces nouvelles communautés n’attendent pas des marques qu’elles imposent leur culture mais plutôt qu’elles résonnent avec les leurs. Lorsque la marque réussit à s’intégrer, une relation de confiance se développe ce qui va permettre naturellement à la marque de se développer.

 

  • Mono, multi-communautés, la stratégie communautaire est une véritable science

Chaque marque peut décider de s’appuyer sur une ou plusieurs communautés dans le cadre de la stratégie d’influence.

Pour illustrer le mode d’emploi de ce « média planning des communautés » deux exemples. D’un côté, la stratégie Alpine, qui a réussi à se relancer en se concentrant sur une communauté vintage et sports cars » décrit Julien Geffard, directeur marketing d’Havas Paris.

A l’opposé, la stratégie de Monoprix s’appuie sur Instagram pour bâtir des « petites pyramides qui permettent d’enchanter la vie des gens ». Florence Chaffiotte, directrice marketing chez Monoprix déclare s’intéresser aux communautés éphémères en surfant sur des codes graphiques émergeant de la pop culture.

Après cette matinée, on comprend que le marketing communautaire, c’est du sérieux. La stratégie communautaire devient une véritable discipline. Il faut produire des contenus, proposer des lieux et plonger le consommateur dans des expériences.

Mais au bout du chemin le Graal : la possibilité de devenir un vrai référent social, à l’image des grands marques communautaires : Harley Davidson, Supreme, Apple… Rappelons toutefois que pour avoir ce statut de marque communautaire il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus !

YVES SIMEON – Dirige RELOAD

Cabinet de conseil et de formation. Accompagne les entreprises dans la mise en place de parcours de (trans) formation. Yves intervient tous les mois dans la rubrique Mot pour Mot
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@SimeonYves

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